Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/436

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À ce discours, je ne fis que jeter sur elle un regard froid et indifférent. Doucement, lui dit le ministre. Approchez, mademoiselle, ajouta-t-il en me parlant ; on dit que M. de Valville vous aime ; est-il vrai qu’il songe à vous épouser ? Du moins me l’a-t-il dit, monseigneur, répondis-je.

Là-dessus, voici de grands éclats de rires moqueurs de la part de deux ou trois de ces dames. Je me contentai de les regarder encore, et le ministre de leur faire un signe de la main pour les engager à cesser.

Vous n’avez ni père ni mère, et ne savez qui vous êtes, me dit-il après. Cela est vrai, monseigneur, lui répondis-je. Eh bien ! ajouta-t-il, faites-vous donc justice, et ne songez plus à ce mariage-là. Je ne souffrirais pas qu’il se fît, mais je vous en dédommagerai ; j’aurai soin de vous ; voici un jeune homme qui vous convient, qui est un fort honnête garçon, que je pousserai, et qu’il faut que vous épousiez ; n’y consentez-vous pas ?

Je n’ai pas dessein de me marier, monseigneur, lui répondis-je, et je vous conjure de ne m’en pas presser ; mon parti est pris là-dessus. Je vous donne encore vingt-quatre heures pour y songer, reprit-il ; on va vous reconduire au couvent. Je vous renverrai chercher demain ; point de mutinerie ; aussi bien ne reverrez-vous plus Valville ; j’y mettrai ordre. Je ne changerai point de sentiment, monseigneur, repartis-je ; je ne me marierai point, surtout à un homme qui m’a reproché mes malheurs. Ainsi vous