Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/443

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vue, nous n’avons pas le temps ; mais voilà la source de la persécution qu’elle éprouve d’eux. Un malheureux événement les a instruits de tout, et cela par l’indiscrétion d’une de mes parentes, qui est la plus sotte femme du monde et qui n’a pu retenir sa misérable fureur de parler. Ils n’ont pas tout le tort, au reste, de se méfier de ma tendresse pour elle ; il n’y a point d’homme de bon sens à qui je ne crusse donner un trésor, si je le mariais avec cette petite fille-là.

Et voyez que d’amour ! jugez-en par la franchise avec laquelle elle parlait ; elle disait tout, elle ne cachait plus rien ; et elle qui avait exigé de nous tant de circonspection, tant de discrétion et tant de prudence, la voilà qui, à force de tendresse et de sensibilité pour moi, oublie elle-même de se taire, et est la première à révéler notre secret ; tout lui échappe dans le trouble de son cœur. Ô trouble aimable, que tout mon amour pour elle, quelque prodigieux qu’il ait été, n’a jamais pu payer, et dont le ressouvenir m’arrache actuellement des larmes ! Oui, madame, j’en pleure encore. Ah ! mon Dieu, que mon âme avait d’obligations à la sienne !

Hélas ! cette chère mère, cette âme admirable, elle n’est plus pour moi, et notre tendresse ne vit plus que dans mon cœur.