Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/463

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l’estime que Mme de Miran a pour la vertu, à l’estime qu’assurément nous en avons tous ? Empêcherons-nous la vertu de plaire ? Vous ne seriez pas de cet avis-là, ni moi non plus, et l’autorité n’a que faire ici.

Et puis, se tournant vers le frère de lait de Madame : Laissez-nous, Villot, lui dit-il. Madame, je vous rends votre fille, avec tout le pouvoir que vous avez sur elle ; vous lui avez tenu lieu de mère ; elle ne pouvait pas en trouver une meilleure, et elle méritait de vous trouver. Allez, mademoiselle, oubliez tout ce qui s’est passé ici : qu’il reste comme nul, et consolez-vous d’ignorer qui vous êtes. La noblesse de vos parents est incertaine, mais celle de votre cœur est incontestable, et je la préférerais, s’il fallait opter. Il se retirait en disant cela ; mais il me prit un transport qui l’arrêta, et qui était preste.

C’est que je me jetai à ses genoux, avec une rapidité plus éloquente et plus expressive que tout ce que je lui aurais dit, et que je ne pus lui dire, pour le remercier du jugement plein de bonté et de vertu qu’il venait lui-même en rendre en ma faveur.

Il me releva sur-le-champ, d’un air qui témoignait que mon action le surprenait agréablement et l’attendrissait ; je m’aperçus aussi qu’elle plaisait à toute la compagnie.

Levez-vous, ma belle enfant, me dit-il ; vous ne me devez rien, je vous rends justice ; et puis, s’adressant aux autres : Elle en fera tant que nous l’aimerons