Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/476

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avoir ; mais cette vanité gâtait tout, et ne lui en laissait pas une de naturelle. Il y a beaucoup de femmes comme elle qui seraient fort aimables si elles pouvaient oublier un peu qu’elles le sont. Celle-ci, j’en suis sûre, n’allait et ne venait par le monde que pour se montrer, que pour dire Voyez-moi. Elle ne vivait que pour cela.

Je crois qu’elle me trouva jolie, car elle me regarda peu, et toujours de côté ; on démêlait qu’elle faisait semblant de me compter pour rien, de ne pas s’apercevoir que j’étais là, et le tout pour persuader qu’elle ne trouvait rien en moi que de fort commun.

Une chose la trahit pourtant, c’est qu’elle avait toujours les yeux sur Valville, pour observer laquelle des deux il regarderait le plus, d’elle ou de moi ; et en un sens c’était bien là me regarder moi-même, et craindre que je n’eusse la préférence. L’autre dame, plus âgée, était une femme fort sérieuse, et cependant fort frivole, c’est-à-dire qui parlait gravement et avec dignité d’un équipage qu’elle faisait faire, d’un. repas qu’elle avait donné, d’une visite qu’elle avait rendue, d’une histoire que lui avait contée la marquise une telle ; et puis c’était Mme la duchesse de… qui se portait mieux, mais qui avait pris l’air de trop bonne heure ; qu’elle l’en avait querellée, que cela était effroyable ; et puis c’était une