Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/68

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mensonge à M. de Climal, et à moi un consentement à ce mensonge ; voilà ce que c’est que l’étourderie des jeunes gens ! J’oubliai que ce maudit linge était dans le paquet avec l’habit. Oh ! oh ! dit Mme Dutour, en voici bien d’une autre ! M. de Climal nous disait que c’était la demoiselle défunte qui vous avait laissé cela ; c’est pourtant lui qui vous l’a acheté, Marianne, et c’est fort mal fait à vous de ne l’avoir pas pris chez moi. Vous n’êtes pas plus délicate que des duchesses qui en prennent bien ; et votre M. de Climal est encore plaisant ! Mais je vois bien ce que c’est, ajouta-t-elle en tirant l’étoffe de l’habit qui était dessous, pour la voir, car sa colère n’interrompit point sa curiosité, qui est un mouvement chez les femmes qui va avec tout ce qu’elles ont dans l’esprit ; je vois bien ce que c’est ; je devine pourquoi on a voulu m’en faire accroire sur ce linge-là, mais je ne suis pas si bête qu’on le croit, je n’en dis pas davantage ; remportez, remportez ; pardi, le tour est joli ! On a la bonté de mettre mademoiselle en pension chez moi, et ce qu’il lui faut, on l’achète ailleurs ; j’en ai l’embarras, et les autres le profit ; je vous le conseille !

Pendant ce temps-là, Toinon soulevait mon étoffe du bout des doigts, comme si elle avait craint de se les salir, et disait : Diantre ! il n’y a rien de tel que d’être orpheline ! Et la pauvre fille, ce n’était presque que pour figurer dans l’aventure qu’elle disait cela ; et toute sage qu’elle était, quiconque lui en eût donné autant l’aurait rendue stupide de reconnaissance.