Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/69

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Laissez cela, Toinon, lui dit Mme Dutour ; je voudrais bien voir que cela vous fît envie !

Jusque-là je n’avais rien dit ; je sentais tant de mouvements, tant de confusion, tant de dépit, que je ne savais par où commencer pour parler : c’était d’ailleurs une situation bien neuve pour moi que la mêlée où je me trouvais. Je n’en avais jamais tant vu. À la fin, quand mes mouvements furent un peu éclaircis, la colère se déclara la plus forte ; mais ce fut une colère si franche et si étourdie, qu’il n’y avait qu’une fille innocente de ce dont on l’accusait qui pût l’avoir.

Il était pourtant vrai que M. de Climal était amoureux de moi ; mais je savais bien aussi que je ne voulais rien faire de son amour ; et si, malgré cet amour que je connaissais, j’avais reçu ses présents, c’était par un petit raisonnement que mes besoins et ma vanité m’avaient dicté, et qui n’avait rien pris sur la pureté de mes intentions. Mon raisonnement était sans doute une erreur, mais non pas un crime : ainsi je ne méritais pas les outrages dont me chargeait Mme Dutour, et je fis un vacarme épouvantable. Je débutai par jeter l’habit et le linge par terre sans savoir pourquoi, seulement par fureur ; ensuite je parlai, ou plutôt je criai, et je ne me souviens plus de tous mes discours, sinon que j’avouai en pleurant que M. de Climal avait acheté le linge, et qu’il m’avait défendu de le dire, sans m’instruire des raisons qu’il avait pour cela ; qu’au reste j’étais bien malheureuse de me trouver avec des gens qui m’accusaient à si bon