Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/71

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mes forces ; il ne me resta plus que des pleurs, jamais on n’en a tant versé ; et la bonne femme, voyant cela, se mit à pleurer aussi du meilleur de son cœur.

Là-dessus, Toinon entra pour nous dire que le dîner était prêt ; et Toinon, qui était de l’avis de tout le monde, pleura, parce que nous pleurions, et moi, après tant de larmes, attendrie par les douceurs qu’elles me dirent toutes deux, je m’apaisai, je me consolai, j’oubliai tout.

La forte pension que M. de Climal payait pour moi contribua peut-être un peu au tendre repentir que Mme Dutour eut de m’avoir fâchée ; de même que le chagrin de n’avoir pas vendu le linge l’avait, sans comparaison, bien plus indisposée contre moi que toute autre chose ; car pendant le repas, prenant un autre ton, elle me dit elle-même que, si M. de Climal m’aimait, comme il y avait apparence, il fallait en profiter. (Je n’ai jamais oublié les discours qu’elle me tint.) Tenez, Marianne, me disait-elle, à votre place, je sais bien comment je ferais ; car, puisque vous ne possédez rien, et que vous êtes une pauvre fille qui n’avez pas seulement la consolation d’avoir des parents, je prendrais d’abord tout ce que M. de Climal me donnerait, j’en tirerais tout ce que je pourrais : je ne l’aimerais pas, moi, je m’en garderais bien ; l’honneur doit marcher le premier, et je ne suis pas femme à dire autrement, vous l’avez bien vu ; en un mot comme en mille, tournez tant