Aller au contenu

Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il vous plaira, il n’y a rien de tel que d’être sage, et je mourrai dans cet avis. Mais ce n’est pas à dire qu’il faille jeter ce qui nous vient trouver ; il y a moyen d’accommoder tout dans la vie. Par exemple, voilà vous et M. de Climal ; eh bien ! faut-il lui dire : Allez-vous-en ? Non, assurément : il vous aime, ce n’est pas votre faute, tous ces bigots n’en font point d’autres. Laissez-le aimer, et que chacun réponde pour soi. Il vous achète des nippes, prenez toujours, puisqu’elles sont payées ; s’il vous donne de l’argent, ne faites pas la sotte, et tendez la main bien honnêtement, ce n’est pas à vous à faire la glorieuse. S’il vous demande de l’amour, allons doucement ici, jouez d’adresse, et dites-lui que cela viendra ; promettre et tenir mène les gens bien loin. Premièrement, il faut du temps pour que vous l’aimiez ; et puis, quand vous ferez semblant de commencer à l’aimer, il faudra du temps pour que cela augmente ; et puis, quand il croira que votre cœur est à point, n’avez-vous pas l’excuse de votre sagesse ? Est-ce qu’une fille ne doit pas se défendre ? N’a-t-elle pas mille bonnes raisons à dire aux gens ? Ne les prêche-t-elle pas sur le mal qu’il y aurait ? Pendant quoi le temps se passe, et les présents viennent sans qu’on les aille chercher ; et si un homme à la fin fait le mutin, qu’il s’accommode, on sait se fâcher aussi bien que lui, et puis on le laisse là ; et ce qu’il a donné est donné ; pardi ! il n’y a rien de si beau que le don ; et si les gens ne donnaient rien, ils garderaient donc tout !