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Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/81

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Oh ! jugez, madame, du dédain que de pareils lecteurs auraient eu pour moi.

Au reste, ne confondons point ; le portrait que je fais de ces gens-là ne vous regarde pas, ce n’est pas vous qui serez la dupe de mon état. Mais peut-être que j’écris mal. Le commencement de ma vie contient peu d’événements, et tout cela aurait bien pu vous ennuyer. Vous me dites que non, vous me pressez de continuer, je vous en rends grâces, et je continue : laissez-moi faire, je ne serai pas toujours chez Mme Dutour.

Je vous ai dit que j’allai à l’église, à l’entrée de laquelle je trouvai de la foule ; mais je n’y restai pas. Mon habit neuf et ma figure y auraient trop perdu ; et je tâchai, en me glissant tout doucement, de gagner le haut de l’église, où j’apercevais de beau monde qui était à son aise.

C’étaient des femmes extrêmement parées : les unes assez laides, et qui s’en doutaient, car elles tâchaient d’avoir si bon air qu’on ne s’en aperçût pas ; d’autres qui ne s’en doutaient point du tout, et qui, de la meilleure foi du monde, prenaient leur coquetterie pour un joli visage.

J’en vis une fort aimable, et celle-là ne se donnait pas la peine d’être coquette ; elle était au-dessus de cela pour plaire ; elle s’en fiait négligemment à ses grâces, et c’était ce qui la distinguait des autres, de qui elle semblait dire :

Je suis naturellement tout ce que ces femmes-là voudraient être.