Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/136

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Qu’est-ce donc ? dit-elle, on croirait que cette lettre vous afflige ; est-ce que j’ai mal jugé de vous ? Tout le monde ici s’y est-il trompé, et n’êtes-vous plus dans les mêmes sentiments, ma fille ?

Que ne m’avez-vous consultée avant que d’écrire à ma mère ? lui répartis-je en sanglotant : vous achevez de me perdre auprès d’elle, madame. Je ne serai point religieuse ; Dieu ne me veut pas dans cet état-là.

À ce discours, je vis Mme de Sainte-Hermières immobile et presque pâlissante ; ses amis se regardaient et levaient les mains d’étonnement.

Ah ! Seigneur, vous ne serez point religieuse ! s’écria-t-elle ensuite d’un ton douloureux qui signifiait : Où en suis-je ! Et il est vrai que je lui ôtais l’espérance d’une aventure bien édifiante pour le monde, et par conséquent bien glorieuse pour elle. Après toute la dévotion que je tenais d’elle et de son exemple, il ne me manquait plus qu’un voile pour être son chef-d’œuvre.

Ne vous effrayez point, lui dit alors un de ceux qui étaient présents en souriant d’un air plein de foi ; je m’y attendais ; ceci n’est qu’un dernier effort de l’ennemi de Dieu contre elle. Vous l’y verrez peut-être voler dès demain, à cette heureuse et sainte retraite, qui vaut bien la peine d’être achetée par un peu de tentation.

Non, monsieur, répondis-je, toujours la larme à l’œil ; non, ce n’est point une tentation ; mon parti est pris là-dessus. En ce cas-là, je vous plains de toutes façons, mademoiselle, me repartit Mme de