Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/189

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airs respectueux et de ses grâces. Cette bague même qu’il m’avait laissée avait part à mon attention ; elle m’occupait, et n’était pas pour moi une chose indifférente.

J’allai chez Mme Dursan, qui était réveillée, et à qui je contai ma petite aventure, avec l’ordre que j’avais donné de sa part au garde.

Elle ne manqua pas d’approuver tout ce que j’avais fait. Un jeune chasseur de si bonne mine (car je n’omis rien de ce qui pouvait le rendre intéressant), un jeune homme si poli, si doux, si bien élevé, qui chassait avec un zèle si édifiant pour un père malade, ne pouvait que trouver grâce auprès de Mme Dursan, qui avait le cœur bon, et qui ne voyait dans mon récit que sa justification ou son éloge.

Oui, ma fille, tu as raison, me dit-elle ; j’aurais pensé comme toi si j’avais été à ta place, et ton action est très louable, (Pas si louable qu’elle se l’imaginait, ni que je le croyais moi-même ; ce n’était pas là le mot qu’il eût fallu dire.)

Quoi qu’il en soit, dans l’attendrissement où je la vis, j’augurai bien du succès de ma négociation au sujet de la bague dont je lui parlai, et que je lui montrai tout de suite, persuadée que je n’avais qu’à lui en dire le prix pour en avoir l’argent.

Mais je me trompais : les mouvements de ma tante et les miens n’étaient pas tout à fait les mêmes ; Mme Dursan n’était que bonne et charitable ; cela laisse du sens-froid, et n’engage pas à acheter une bague dont on n’a que faire.