Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/198

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il en restait beaucoup, mais qui était pâle, et dont l’abattement paraissait venir d’une tristesse ancienne et habituelle, au surplus mise comme une femme qui n’aurait pu conserver qu’une vieille robe pour se parer.

L’autre était un homme de quarante-trois ou quarante-quatre ans, qui avait l’air infirme, assez mal arrangé d’ailleurs, et à qui on ne voyait plus, pour tout reste de dignité, que son épée.

Ce fut lui qui le premier s’avança vers moi, en me saluant ; je lui rendis son salut, sans savoir à quoi cela aboutissait.

Monsieur, dis-je au jeune homme, qui était à côte de lui, dites-moi, je vous prie, de quoi il est question. De mon père et de ma mère, que vous voyez, mademoiselle, me répondit-il, ou, pour vous mettre encore mieux au fait, de M. et de Mme Dursan. Voilà ce que c’est, ma fille, me dit alors la dame avec qui j’étais venue ; voilà votre cousin, le fils de cette tante qui vous a donné tout son bien, à ce qu’elle m’a confié elle-même ; et je vous en demande pardon ; car, avec la belle âme que je vous connais, je savais bien qu’en vous amenant ici, je vous faisais le plus mauvais tour du monde.

À peine achevait-elle ces mots que la femme tomba à mes pieds. Et c’est à moi, qui ai causé les malheurs de mon mari, à me jeter à vos genoux, et à vous conjurer d’avoir pitié de lui et de son fils, me dit-elle en me tenant une main qu’elle arrosait de ses larmes.