Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/206

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ne prouvait que trop ce qu’elle disait, et qui aurait pu paraître extraordinaire à ma tante, si je l’avais amenée dans cet état-là.

Eh ! de quoi tremblez-vous donc ? lui dis-je. Est-ce de vous présenter à la meilleure de toutes les femmes, à qui vous allez devenir chère, et qui dans quinze jours peut-être pleurera de tendresse, et vous embrassera de tout son cœur, en apprenant qui vous êtes ? Vous n’y songez pas ; allons, madame, paraissez avec confiance ; ce moment-ci ne doit rien avoir d’embarrassant pour vous ; qu’y a-t-il à craindre ? Vous êtes bien sûre de Mme Dorfrainville, et je pense que vous l’êtes de moi.

Ah ! mon Dieu, de vous, mademoiselle ! me répondit-elle ; ce que vous me dites là me fait rougir. Et sur qui donc compterais-je dans le monde ? Allons, mademoiselle, je vous suis ; voilà toutes mes émotions dissipées.

Et là-dessus nous entrâmes dans cette chambre dont elle avait eu tant de peur d’approcher. Cependant, malgré tout ce courage qui lui était revenu, elle salua avec une timidité qu’on aurait pu trouver excessive dans une autre qu’elle, mais qui, jointe à cette figure aimable et modeste, à ce visage plein de douceur qu’elle avait, parut une grâce de plus chez elle.

À mon égard, je souris d’un air satisfait, afin d’exciter encore les bonnes dispositions de ma tante, qui regardait à ma mine ce que je pensais.

Mademoiselle Brunon, dit Mme Dorfrainville à notre nouvelle femme de chambre, vous resterez ici ;