Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/268

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nous, il attendra ; mais ce n’est pas assez ; cette femme est sans argent apparemment ; elle sort de maladie, à ce que vous dites ; elle a encore une semaine à passer chez cet homme qui n’aura pas grand égard à l’état où elle est, ni aux ménagements dont elle a besoin dans une convalescence aussi récente que la sienne. Ayez la bonté, madame, de lui porter pour nous cette petite somme d’argent que voici (c’était neuf ou dix écus que nous lui remettions).

De tout mon cœur, reprit-elle, j’y vais de ce pas ; et elle partit. À son retour, elle nous dit qu’elle avait trouvé cette femme au lit, que son aventure l’avait extrêmement émue, et qu’elle n’était pas sans fièvre ; qu’à l’égard des dix écus que nous avions envoyés, ce n’avait été qu’en rougissant qu’elle les avait reçus ; qu’elle nous conjurait de vouloir bien qu’elle ne les prît qu’à titre d’emprunt ; que l’obligation qu’elle nous en aurait en serait plus grande, et sa reconnaissance encore plus digne d’elle et de nous ; qu’elle devait en effet recevoir incessamment de l’argent, et qu’elle ne manquerait pas de nous rendre le nôtre.

Ce compliment ne nous déplut point ; au contraire, il nous confirma dans l’opinion avantageuse que nous avions d’elle. Nous comprîmes qu’une âme ordinaire ne se serait point avisée de cette honnête et généreuse fierté-là, et nous ne nous en sûmes que meilleur gré de l’avoir obligée ; je ne sais pas même à quoi il tint que nous n’allassions la voir, tant nous étions prévenues pour elle. Ce qui est de sûr, c’est que je pensai le proposer à Mme Darcire, qui, de son