Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/278

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j’étais chez une tante qui est morte, qui m’avait reçue chez elle, et avec qui j’ai passé six ou sept ans sans avoir eu de nouvelles de ma mère à qui j’ai plusieurs fois écrit inutilement, que j’ai été chercher ici à la dernière adresse que j’avais d’elle, mais qui, depuis près de deux ans qu’elle est veuve de son second mari, ne demeure plus dans l’endroit où je croyais la voir, qui ne loge pas même chez son fils qui est marié, qui est actuellement en campagne avec la marquise sa femme, et dont les gens mêmes n’ont pu m’enseigner où est ma mère, quoiqu’elle y ait paru il y a quelques jours ; de sorte que je ne sais pas où la trouver, quelques recherches que j’aie faites et que je fasse encore ; et ce qui achève de m’alarmer, ce qui me jette dans des inquiétudes mortelles, c’est que j’ai lieu de soupçonner qu’elle est dans une situation difficile ; c’est que j’entends dire que ce fils qu’elle a tant chéri, à qui elle avait donné tout son cœur, n’est pas trop digne de sa tendresse, et n’en agit pas trop bien avec elle. Il est du moins sûr qu’elle se cache, qu’elle se dérobe aux yeux de tout le monde, que personne ne sait le lieu de sa retraite ; et ma mère ne devrait pas être ignorée. Cela ne peut m’annoncer qu’une femme dans l’embarras, qui a peut-être de la peine à vivre, et qui ne veut pas avoir l’affront d’être vue dans l’état obscur où elle est.

Je ne pus m’empêcher de pleurer en finissant ce discours, au lieu que mon inconnue, qui pleurait auparavant et qui avait toujours eu les yeux fixés sur moi pendant que je parlais, avait paru suspendre ses larmes pour m’écouter plus attentivement : ses regards