Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/279

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avaient eu quelque chose d’inquiet et d’égaré ; elle n’avait, ce me semble, respiré qu’avec agitation.

Quand j’eus cessé de parler, elle continua d’être comme je le dis là, elle ne me répondait point, elle se taisait, interdite. L’air de son visage étonné me frappa ; j’en fus émue moi-même, il me communiqua le trouble que j’y voyais peint, et nous nous considérâmes assez longtemps, dans un silence dont la raison me remuait d’avance, sans que je la susse, lorsqu’elle le rompit d’une voix mal assurée pour me faire encore une question.

Mademoiselle, je crois que votre mère ne m’est pas inconnue, me dit-elle. En quel endroit, s’il vous plaît, demeure ce fils chez qui vous avez été la chercher ? À la place Royale, lui répondis-je alors, d’un ton plus altéré que le sien. Et son nom ? reprit-elle avec empressement et respirant à peine. M. le marquis de…, repartis-je toute tremblante. Ah ! ma chère Tervire ! s’écria-t-elle en se laissant aller entre mes bras. À cette exclamation, qui m’apprit sur-le-champ qu’elle était ma mère, je fis un cri dont fut épouvantée Mme Darcire, que son procureur venait de quitter et qui montait en cet instant l’escalier pour revenir nous joindre.

Incertaine de ce que mon cri signifiait dans une auberge de cette espèce, qui ne pouvait guère être que l’asile ou de gens de peu de chose, ou du moins d’une très mince fortune, elle cria à son tour pour