Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/424

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n’y avait rien à craindre : il n’y avait pas d’apparence qu’il voulût choisir l’eau pour son tombeau, lui qui en était l’ennemi juré : il y avait peut-être plus de trente ans que le vieux ivrogne n’en avait bu.

Au reste il avait raison de s’affliger ; la mort lui enlevait un bon chaland ; il était depuis quinze ans le pourvoyeur des plaisirs de son maître qui le payait bien, qu’il volait, disait-on, par-dessus le marché.

Je le laissai donc dans sa douleur moitié raisonnable, et moitié bachique ; car il était plein de vin quand je lui parlai, et je courus m’instruire plus à fond de ce qu’il venait de m’apprendre.

Rien n’était plus vrai que son rapport, une apoplexie venait d’étouffer monsieur. Il était seul dans son cabinet, quand elle l’avait surpris. Il n’avait eu aucun secours, et un domestique l’avait trouvé mort dans son fauteuil, et devant son bureau, sur lequel était une lettre ébauchée de quelques lignes gaillardes qu’il écrivait à une dame de bonne composition, autant qu’on en pouvait juger, car je crois que tout le monde dans la maison lut cette lettre, que madame avait pris dans le cabinet, et qu’elle laissa tomber de ses mains, dans le désordre où la jeta ce spectacle effrayant.

Pour moi, il faut que je l’avoue franchement, cette mort subite