Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/426

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dès ce moment le coffret et lui disparurent ; on ne les a jamais revus depuis, et apparemment qu’ils partirent ensemble.

Il nous reste encore d’autres malheurs ; le bruit de la mort de monsieur fut bientôt répandu ; on ne connaissait pas ses affaires : madame avait vécu jusque-là dans une abondance dont elle ne savait pas la source, et dont elle jouissait dans une quiétude parfaite.

On l’en tira dès le lendemain ; mille créanciers fondirent chez elle avec des commissaires et toute leur séquelle. Ce fut un désordre épouvantable.

Les domestiques demandaient leurs gages et pillaient ce qu’ils pouvaient en attendant de les recevoir.

La mémoire de monsieur était maltraitée ; nombre de personnes ne lui épargnaient pas l’épithète de fripon. L’un disait : Il m’a trompé ; l’autre : Je lui ai confié de l’argent ; qu’en a-t-il fait ?

Ensuite on insultait à la magnificence de sa veuve, on ne la ménageait pas en sa présence même, et elle se taisait moins par patience que par consternation.

Cette dame n’avait jamais su ce que c’était que chagrin ; et dans la triste expérience qu’elle en fit alors, je crois que l’étonnement où la jetait son état lui sauvait la moitié de sa douleur.

Imaginez-vous ce que serait une personne qu’on aurait tout à coup transportée dans un pays affreux, dont tout ce qu’elle aurait vu ne lui aurait pas donné la moindre idée : voilà comment elle se trouvait.