Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/449

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Il faut avouer que le diable est bien fin, mais aussi que nous sommes bien sots !

Le dessert fut à l’avenant du repas : confitures sèches et liquides, et sur le tout de petites liqueurs, pour aider à faire la digestion, et pour ravigoter ce goût si mortifié.

Après quoi, Mlle Habert l’aînée disait à la cadette : Allons, ma sœur, remercions Dieu. Cela est bien juste, répondait l’autre avec une plénitude de reconnaissance, qu’alors elle aurait assurément eu tort de disputer à Dieu.

Cela est bien juste, disait-elle donc ; et puis les deux sœurs se levant de leurs sièges avec un recueillement qui était de la meilleure foi du monde, et qu’elles croyaient aussi méritoire que légitime, elles joignaient posément les mains pour faire une prière commune, où elles se répondaient par versets l’une à l’autre, avec des tons que le sentiment de leur bien-être rendait extrêmement pathétiques.

Ensuite on ôtait le couvert ; elles se laissaient aller dans un fauteuil, dont la mollesse et la profondeur invitaient au repos ; et là on s’entretenait de quelques réflexions qu’on avait faites d’après de saintes lectures, ou bien d’un sermon du jour ou de la veille, dont elles trouvaient le sujet admirablement convenable pour monsieur ou pour madame une telle.

Ce sermon-là n’était fait que pour eux ; l’avarice, l’amour du monde, l’orgueil et d’autres imperfections y avaient si bien été débattus !