Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/460

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et sa vie, je n’exagère pas à votre égard. Vous n’êtes que trois filles toutes seules dans une maison ; que ne risquez-vous pas, si cette physionomie vous trompe, si vous avez affaire à un aventurier, comme cela peut arriver ? Qui vous a répondu de ses mœurs, de sa religion, de son caractère ? Un fripon ne peut-il pas avoir la mine d’un honnête homme ? À Dieu ne plaise que je le soupçonne d’être un fripon ; la charité veut qu’on pense à son avantage : mais la charité ne doit pas aller jusqu’à l’imprudence, et c’en est une que de s’y fier comme vous faites.

Ah ! ma sœur, ce que monsieur dit est sensé, s’écria l’aînée à cet endroit. Effectivement, ce garçon a d’abord quelque chose qui prévient, mais monsieur a raison pourtant, à présent que j’y songe, il a un je ne sais quoi dans le regard qui a pensé m’arrêter, moi qui vous parle.

Encore un mot, ajouta l’ecclésiastique en l’interrompant : vous approuvez ce que j’ai dit ; et ce n’est pourtant rien en comparaison de ce que j’ai à vous dire.

Ce garçon est dans la première jeunesse, il a l’air hardi et dissipé, vous n’êtes pas encore dans un âge à l’abri de la censure ; ne craignez-vous point les mauvaises pensées qui peuvent venir là-dessus à ceux qui le verront chez vous ? Ne savez-vous pas que les hommes se scandalisent aisément, et que c’est un malheur terrible que d’induire son prochain au moindre scandale ? Ce n’est point moi qui vous le dis, c’est l’Evangile. D’ailleurs, mes chères sœurs, car il faut tout dire, nous-mêmes ne sommes-nous pas faibles ? Que