Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/519

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tenir notre mariage secret à cause de ma sœur qui ferait du bruit peut-être.

Eh ! pourquoi du bruit ? À cause de votre âge ? reprit notre hôtesse. Eh ! pardi, voilà bien de quoi ! La semaine passée, n’y eut-il pas une femme de soixante et dix ans pour le moins, qu’on fiança dans notre paroisse avec un cadet de vingt ans ? L’âge n’y fait rien que pour ceux et celles qui l’ont ; c’est leur affaire.

Je ne suis pas si âgée, dit Mlle Habert d’un air un peu déconcerté qui ne l’avait pas quittée. Eh ! pardi, non, dit l’hôtesse ; vous êtes en âge d’épouser, ou jamais ; après tout, on aime ce qu’on aime ; il se trouve que le futur est jeune ; hé bien, vous le prenez jeune. S’il n’a que vingt ans, ce n’est pas votre faute non plus que la sienne. Tant mieux qu’il soit jeune, ma voisine, il aura de la jeunesse pour vous deux. Dix ans de plus, dix ans de moins ; quand ce serait vingt, quand ce serait trente, il y a encore quarante par-dessus ; et l’un n’offense pas plus Dieu que l’autre. Qu’est-ce que vous voulez qu’on dise ? Que vous seriez sa mère ? Eh bien ! le pis aller de tout cela, c’est qu’il serait votre fils. Si vous en aviez un, il n’aurait peut-être pas si bonne mine, et il vous aurait déjà coûté davantage : moquez-vous du caquet des gens, et achevez de me conter votre affaire.

Vous voulez cacher votre mariage, n’est-ce pas ? Eh ! cela vous sera aisé ; car de marmot, il n’y en a point à craindre, vous en voilà quitte, et il n’y a que cela qui trahisse : après ?

Si vous faites toujours vos réflexions aussi longues sur