Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1830, tome 9.djvu/17

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rait-ce qu’il y aurait moins d’esprit, moins de délicatesse, ou moins de force dans les idées de ce genre ? Point du tout ; il y régnerait seulement une autre sorte d’esprit, de délicatesse et de force, et cette autre sorte-là vaudrait bien celle qui naît du travail et de l’attention.

Tout ce que je dis là, n’est aussi qu’une réflexion que le hasard m’a fournie ; voici comment.

Je viens de voir un homme qui attendait un grand seigneur dans son salon ; je l’examinais, parce que je lui trouvais un air de probité, mêlé d’une tristesse timide ; sa physionomie et les chagrins que je lui supposais, m’intéressaient en sa faveur. Hélas ! disais-je en moi-même, l’honnête homme est presque toujours triste, presque toujours sans biens, presque toujours humilié ; il n’a point d’amis, parce que son amitié n’est bonne à rien ; on dit de lui, c’est un honnête homme ; mais ceux qui le disent, le fuient, Je dédaignent, le méprisent, rougissent même de se trouver avec lui ; et pourquoi ? c’est qu’il n’est qu’estimable.

En faisant cette réflexion, je voyais dans la même salle des hommes d’une physionomie libre et hardie,

    nuierait-il. Sans doute, s’ils se contentaient d’observer la nature, et s’ils croyaient, après cela, pouvoir la reproduire, sans avoir étudié l’art si difficile d’écrire et de peindre. Il n’est pas inutile de revendiquer fortement les prérogatives de l’art, aujourd’hui surtout que tant de gens cherchent à l’en dépouiller au profit du génie, comme si l’un ou l’autre devait gagner quelque chose à cette séparation violente et contre nature.