Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/104

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tous les philosophes du temps passé nous l’ont dit, et je m’en fie bien à eux. Vous vous croyez leste et gaillard, vous ne l’êtes point ; ce que vous êtes est caché derrière tout cela. Si j’avais besoin d’indifférence et qu’on en vendît, je ne ferais pas emplette de la vôtre. J’ai bien peur que ce ne soit une drogue de charlatan ; car on dit que l’Amour en est un, et franchement vous m’avez tout l’air d’avoir pris de son mithridate. Vous vous agitez, vous allez et venez, vous riez du bout des dents, vous êtes sérieux tout de bon ; tout autant de symptômes d’une indifférence amoureuse.

Lélio.

Eh ! laissez-moi, Colombine ; ce discours-là m’ennuie.

Colombine.

Je pars ; mais mon avis est que vous avez la vue trouble ; attendez qu’elle s’éclaircisse, vous verrez mieux votre chemin. N’allez pas vous jeter dans quelque ornière ou vous embourber dans quelque pas. Quand vous soupirerez, vous serez bien aise de trouver un écho qui vous réponde. N’en dites rien, ma maîtresse est étourdie du bateau ; la bonne dame bataille, et c’est autant de battu. Motus, monsieur, je suis votre servante.



Scène V

LÉLIO, ARLEQUIN.
Lélio.

Ah ! ah ! ah ! cela ne te fait-il pas rire ?

Arlequin.

Non.