Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/111

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Arlequin.

Mais, encore une fois, je vous dis que Colombine m’attrapera ; je le sens bien.

Lélio.

Écoute ; après tout, mon pauvre Arlequin, si tu te fais tant de violence pour ne pas aimer cette fille-là, je ne t’ai jamais conseillé l’impossible.

Arlequin.

Par la mardi ! vous parlez d’or ; vous m’ôtez plus de cent pesant de dessus le corps, et vous prenez bien la chose. Franchement, monsieur, la femme est un peu vaurienne, mais elle a du bon. Entre nous, je la crois plus ratière que malicieuse. Je m’en vais tâcher de rencontrer Colombine, et je ferai votre affaire. Je ne veux pas l’aimer ; mais si j’ai tant de peine à me retenir, adieu paniers, je me laisserai aller. Si vous m’en croyez, vous ferez de même. Être amoureux et ne l’être pas, ma foi ! je donnerais le choix pour un liard. C’est misère ; j’aime mieux la misère gaillarde que la misère triste. Adieu ; je vais travailler pour vous.

Lélio.

Attends… Tiens, ce n’est pas la peine que tu y ailles.

Arlequin.

Pourquoi ?

Lélio.

C’est que ce que je pourrais apprendre ne me servirait de rien. Si elle m’aime, que m’importe ? Si elle ne m’aime pas, je n’ai pas besoin de le savoir. Ainsi je ferai mieux de rester comme je suis.

Arlequin.

Monsieur, si je deviens amoureux, je veux avoir