Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/145

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feriez bien du plaisir de l’obliger à vous dire qu’il vous aime ; il n’aura pas plus tôt avoué cela qu’il me pardonnera.

La Comtesse.

Va, mon ami, tu n’as pas besoin de mon intercession.

Lélio.

Eh ! madame, je vous assure que je ne lui veux aucun mal, il faut qu’il ait l’esprit troublé. Retire-toi, et ne nous romps plus la tête de tes sots discours. (Arlequin se recule au fond du théâtre avec Colombine). Je vous prie, madame, de n’être point fâchée de ce que j’avais votre portrait ; j’étais dans l’ignorance.

La Comtesse.

Ce n’est rien que cela, monsieur.

Lélio.

C’est une aventure qui ne laisse pas que d’avoir un air singulier.

La Comtesse.

Effectivement.

Lélio.

Il n’y a personne qui ne se persuade là-dessus que je vous aime.

La Comtesse.

Je l’aurais cru moi-même, si je ne vous connaissais pas.

Lélio.

Quand vous le croiriez encore, je ne vous estimerais guère moins clairvoyante.

La Comtesse.

On n’est pas clairvoyante quand on se trompe, et je me tromperais.