Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/237

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Arlequin.

Pas un brin ; remportez cela ; car, si je le prenais, ce serait friponner la gratification.

Le Seigneur.

Acceptez toujours ; qu’importe ? Vous ferez plaisir au prince. Refuseriez-vous ce qui fait l’ambition de tous les gens de cœur ?

Arlequin.

J’ai pourtant bon cœur aussi. Pour de l’ambition, j’en ai bien entendu parler ; mais je ne l’ai jamais vue, et j’en ai peut-être sans le savoir.

Le Seigneur.

Si vous n’en avez pas, cela vous en donnera.

Arlequin.

Qu’est-ce que c’est donc ?

Le Seigneur.

En voilà bien d’une autre ! L’ambition, c’est un noble orgueil de s’élever.

Arlequin.

Un orgueil qui est noble ! Donnez-vous comme cela de jolis noms à toutes les sottises, vous autres ?

Le Seigneur.

Vous ne me comprenez pas ; cet orgueil ne signifie-là qu’un désir de gloire.

Arlequin.

Par ma foi ! sa signification ne vaut pas mieux que lui, c’est bonnet blanc et blanc bonnet.

Le Seigneur.

Prenez, vous dis-je : ne serez-vous pas bien aise d’être gentilhomme ?