Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/54

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Fi ! que j’étais sot ; laissez faire, nous l’attraperons bien, quand nous serons mari et femme.

La Fée.

Quoi ! mon cher Arlequin, vous m’aimerez donc ?

Arlequin.

Eh ! qui donc ? J’avais assurément la vue trouble. Tenez, cela m’avait fâché d’abord ; mais à présent je donnerais toutes les bergères des champs pour une mauvaise épingle. (Doucement.) Mais vous n’avez peut-être plus envie de moi, à cause que j’ai été si bête.

La Fée.

Mon cher Arlequin, je te fais mon maître, mon mari ; oui, je t’épouse ; je te donne mon cœur, mes richesses, ma puissance. Es-tu content ?

Arlequin, la regardant tendrement.

Ah ! ma mie, que vous me plaisez ! (Lui prenant la main.) Moi, je vous donne ma personne, et puis cela encore. (C’est son chapeau.) ; et puis encore cela. (Il lui met son épée au côté, et dit en lui prenant sa baguette :) Et je m’en vais mettre ce bâton à mon côté.

La Fée, inquiète, le voyant tenir sa baguette.

Donnez, donnez-moi cette baguette, mon fils ; vous la casserez.

Arlequin.

Tout doucement, tout doucement !

La Fée.

Donnez donc vite ; j’en ai besoin.

Arlequin, la touchant adroitement avec la baguette.

Tout beau ! asseyez-vous là, et soyez sage.