Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/558

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Toutes nos mesures sont prises ; allons jusqu’au contrat, comme nous l’avons résolu ; ce moment seul décidera si l’on vous aime. L’amour a ses expressions, l’orgueil a les siennes ; l’amour soupire de ce qu’il perd, l’orgueil méprise ce qu’on lui refuse. Attendons le soupir ou le mépris ; tenez bon jusqu’à cette épreuve, pour l’intérêt de votre amour même. Abrégez avec Lisette, et revenez me trouver.

Dorante.

Ah ! votre épreuve me fait trembler ! Elle est pourtant raisonnable ; et je m’y exposerai, je vous le promets.

La Marquise.

Je soutiens moi-même un personnage qui n’est pas fort agréable, et qui le sera encore moins sur la fin ; car il faudra que je supplée au peu de courage que vous me montrez. Mais que ne fait-on pas pour se venger ? Adieu. (Elle sort.)



Scène V

DORANTE, ARLEQUIN, LISETTE.
Dorante.

Que me veux-tu, Lisette ? Je n’ai qu’un moment à te donner. Tu vois bien que je quitte madame la marquise, et notre conversation pourrait être suspecte dans la conjoncture où je me trouve.

Lisette.

Hélas ! monsieur, quelle est donc cette conjoncture où vous êtes avec elle ?

Dorante.

C’est que je vais l’épouser ; rien que cela.