Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/60

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Jacqueline.

Acoute ; n’ons-je pas d’autre amoureux que toi ? Est-ce que Blaise et le gros Colas ne sont pas affolés de moi tous deux ? Est-ce qu’ils ne sont pas des hommes aussi bian que toi ?

Pierre.

Eh mais ! je pense qu’oui.

Jacqueline.

Eh bian ! butor, je te baille la parfarence. Qu’as-tu à dire à ça ?

Pierre.

C’est que tu m’aimes mieux qu’eux tant seulement ; mais si je ne te prenais pas, moi, ça te fâcherait-il ?

Jacqueline.

Oh ! dame, t’en veux trop savoir.

Pierre.

Eh ! morguienne ! voilà le tu autem ; je veux de l’amiquié pour la parsonne de moi tout seul. Quand tout le village vianrait te dire : « Jacquelaine, épouse-moi » ; je voudrais que tu fisses bravement la grimace à tout le village, et que tu lui disis : « Nennin-da, je veux être la femme de Piarre, et pis c’est tout ». Pour ce qui est d’en cas de moi, si j’allais être un parfide, je voudrais que tu te fâchisses rudement, et que t’en pleurisse tout ton soûl ; et velà, margué ! ce qu’en appelle aimer le monde. Tians, moi qui te parle, si t’allais me changer, il n’y aurait pu de çarvelle cheux moi ; c’est de l’amiquié que ça. Tatigué ! que je serais content si tu pouvois itou devenir folle ! Ah ! que ça serait touchant ! Ma pauvre Jacquelaine, dis-moi