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Page:Marmette - Heroisme et Trahison - 1880.djvu/202

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nos ennemis, mais il faut prendre garde de ne pas tomber cette nuit dans leurs filets. Pour moi je veux vous faire voir que je n’ai point de peur. Je prends le fort pour mon partage avec un homme âgé de 80 ans et un soldat qui n’a jamais tiré un coup de fusil ; et vous Pierre Fontaine, La Bonté et Gachet (noms des deux soldats) vous irez à la redoute avec les femmes et les enfans comme étant l’endroit le plus fort. Si je suis prise ne vous rendez jamais, quand même je serais brûlée et hachée en pièces à vos yeux : vous ne devez rien craindre dans cette redoute pour peu que vous combattiez. »

À l’instant je place mes deux jeunes frères sur deux bastions, le jeune homme de 80 ans sur le troisième, et moi je pris le quatrième. Chacun fit bien son personnage. Malgré le sifflement du nord-est, qui est un vent terrible en Canada dans cette saison, malgré la neige et la grêle, l’on entendoit à tout moment : Bon quart, de la redoute au fort, et du fort à la redoute : Bon quart. On auroit cru à nous entendre que le fort étoit rempli d’hommes de guerre. Aussi les Iroquois, gens d’ailleurs si rusés et si belliqueux, y furent-ils trompés, comme ils l’avouèrent dans la suite à M. de Callières, à qui ils déclarèrent qu’ils avoient pris conseil pour prendre le fort pendant la nuit, mais que la garde que l’on y faisoit sans relâche les avoit empêchés d’exécuter leur dessein, surtout ayant déjà perdu du monde par le feu que mes deux jeunes frères et moi avions fait sur eux le jour précédent.

Environ une heure après minuit, la sentinelle du bastion de la porte cria Mademoiselle, j’entends quelque chose. Je marche vers lui pour découvrir ce que c’étoit : j’aperçus au travers des ténèbres et à la faveur de la neige quelques bêtes à