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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/11

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ami sincère, l’abbé Maury, trouvoit cette union non seulement raisonnable, mais désirable des deux côtés, pourquoi moi-même aurois-je pensé qu’elle fût si mal assortie ?

J’étois engagé ce jour-là à dîner chez MM. Morellet. Je m’y rendis avec une émotion qui m’étoit inconnue. Je crois même me souvenir que je mis un peu plus de soin à ma toilette ; et dès lors je donnai une attention sérieuse à ce qui commençoit à m’intéresser vivement. Aucun mot n’étoit négligé, aucun regard ne m’échappoit ; je faisois délicatement des avances imperceptibles, et des tentatives légères sur les esprits et sur les âmes. L’abbé ne sembloit pas y faire attention ; mais sa sœur, son frère et sa nièce, me paroissoient sensibles à tout ce qui venoit de moi.

Vers ce temps, l’abbé fit un voyage à Brienne en Champagne, chez les malheureux Loménie, avec lesquels il étoit lié depuis sa jeunesse ; et, en son absence, la société devint plus familière et plus intime.

Je savois bien que de flatteuses apparences pouvoient rendre trompeur l’attrait d’une première liaison ; je savois quelle illusion pouvoit faire la grâce unie à la beauté ; deux ou trois mois de connoissance et de société étoient bien peu pour s’assurer du caractère d’une jeune personne. J’en avois vu plus d’une dans le monde que l’on