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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/32

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gieux qui attaquent les mœurs dans leur source, de ces vices doux et perfides qui portent le trouble, la honte, la haine, la désolation, le désespoir, dans le sein des familles.

Un célibataire, insensible à ces afflictions qui lui sont étrangères, ne pense ni aux larmes qu’il fera répandre, ni aux fureurs et aux vengeances qu’il allumera dans les cœurs. Tout occupé, comme l’araignée, à tendre ses filets et à guetter l’instant d’y envelopper sa proie, ou il retranche de sa morale le respect des droits les plus saints, ou, s’il lui en revient quelque souvenir, il les regarde comme des lois tombées en désuétude. Ce que tant d’autres se permettent de faire, ou s’applaudissent d’avoir fait, lui paroît, sinon légitime, du moins très excusable : il croit pouvoir jouir de la licence des mœurs du temps.

Mais, lorsque lui-même il s’est mis au nombre de ceux que les séductions d’un adroit corrupteur peuvent rendre malheureux pour toute la vie ; lorsqu’il voit que les artifices, le langage flatteur et attrayant d’un jeune fat, n’ont qu’à surprendre ou l’innocence d’une fille, ou la foiblesse d’une femme, pour désoler le plus honnête homme, et lui-même peut-être un jour ; averti par son intérêt personnel, il sent combien l’honneur, la foi, la sainteté des mœurs conjugales et domestiques, sont pour un époux, pour un père, des propriétés