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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/46

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essayé de peindre la douce égalité de ce caractère, toujours vrai, toujours simple, parce qu’il étoit naturel, éloigné de toute jactance, de toute dissimulation, mêlé de force et de foiblesse, mais dont la force étoit de la vertu, et la foiblesse de la bonté.

En le pleurant, j’étois loin de penser à lui succéder dans la place de secrétaire perpétuel de l’Académie françoise. Je fus moi-même sur le point de le suivre au tombeau, frappé d’une fièvre maligne semblable à celle dont Bouvart m’avoit déjà sauvé, et dont il me guérit encore. Combien ne dois-je pas bénir la mémoire d’un homme à qui deux fois j’ai dû la vie, et qui, jusqu’à la défaillance de ses esprits et de ses forces, n’a cessé de donner les soins les plus tendres à mes enfans !

À peine étois-je en convalescence qu’il fallut aller donner à Fontainebleau le nouvel opéra que j’avois fait avec Piccini. Cet opéra étoit Didon. Comme il étoit tout entier de moi, je l’avois construit à mon gré ; et, pour y faire faire un pas de plus à notre nouvelle musique, j’avois profité du moment où une marque de faveur que Piccini venoit d’obtenir avoit ranimé son génie. Voici ce qui s’étoit passé.

Cette année (1783), le maréchal de Duras, gentilhomme de la chambre en exercice, me de-