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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/47

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manda si je n’avois rien fait de nouveau, et me témoigna le désir d’avoir à donner à la reine, à Fontainebleau, la nouveauté d’un bel opéra. « Mais je veux, me dit-il, que ce soit votre ouvrage. On ne vous sait pas assez de gré de ce que vous faites pour rajeunir les vieux opéras de Quinault. » Je reconnus à ce langage mon confrère à l’Académie, et ses anciennes bontés pour moi.

« Monsieur le maréchal, lui dis-je, tant que mon musicien Piccini sera découragé comme il l’est, je ne puis rien promettre. Vous savez avec quelle rage on lui a disputé le succès de Roland et d’Atys ; ils ont réussi l’un et l’autre, et jusque-là le vrai talent a triomphé de la cabale ; mais, dans l’Iphigénie en Tauride, il a succombé, quoiqu’il s’y fût surpassé lui-même.

« L’entrepreneur de l’Opéra, de Vismes, pour grossir sa recette par le concours des deux partis, a imaginé de faire jouter Gluck et Piccini sur un même sujet il leur a fourni deux poèmes de l’Iphigénie en Tauride. Gluck, dans le poème barbare qui lui est échu en partage, a trouvé des horreurs analogues à l’énergie de son style, et il les a fortement exprimées. Le poème remis à Piccini, tout mal fabriqué qu’il étoit, se trouvoit susceptible d’un intérêt plus doux ; et, au moyen des corrections que l’auteur y a faites sous mes yeux, il a pu donner lieu à une musique touchante. Mais, après