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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/48

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la forte impression qu’avoit faite sur les yeux et sur les oreilles le féroce opéra de Gluck, les émotions qu’a produites l’opéra de Piccini ont paru foibles et légères. L’Iphigénie de Gluck est restée au théâtre dont elle s’étoit emparée ; celle de Piccini n’a pu s’y soutenir, il en est consterné ; et vous seul, Monsieur le maréchal, pouvez le relever de son abattement. — Que faut-il faire pour cela ? me demanda-t-il. — Une chose, lui dis-je, très facile et très juste : changer en pension la gratification annuelle qui lui a été promise lorsqu’on l’a fait venir en France, et lui en accorder le brevet. — Très volontiers, me dit le maréchal. Je demanderai pour lui cette grâce à la reine, et j’espère l’obtenir. »

Il la demanda, il l’obtint ; et, lorsque Piccini alla avec moi l’en remercier : « C’est à la reine, lui dit-il, qu’il faut marquer votre reconnoissance en composant pour elle cette année un bel opéra. — Je ne demande pas mieux, me dit Piccini en nous en allant ; mais quel opéra ferons-nous ? — Il faut faire, lui dis-je, l’opéra de Didon ; j’en ai depuis longtemps le projet dans la tête. Mais je vous préviens que je veux m’y développer ; que vous aurez de longues scènes à mettre en musique, et que dans ces scènes je vous demanderai un récitatif aussi naturel que la simple déclamation. Vos cadences italiennes sont monotones : la parole est