Retourner vive, alors que l’Esté vient ?
Et la personne au Tombeau trebuchante,
Tant grande soit, jamais plus ne revient ?
Ha, quand j’ouy l’autrhyer (il me souvient)
Si fort crier la Corneille en ung Chesne,
C’est ung grand cas (dis je lors) s’il n’advient
Quelcque meschef bien tost en cestuy Regne.
Aultant m’en dist le Corbeau sur ung Fresne :
Aultant m’en dist l’Estoille à la grand queue :
Dont je laschay à mes souspirs la Resne,
Car tel douleur ne pense avoir onc eue.
Chantez mes vers fresche douleur conceue.
Non, taisez vous, c’est assez deploré.
Elle est aux champs Elisiens receue
Hors des travaulx de ce Monde esploré.
Là où elle est, n’y a rien defloré :
Jamais le jour, et ses plaisirs n’y meurent :
Jamais n’y meurt le Vert bien coloré,
Ne ceulx avec qui là dedans demeurent :
Car toute odeur Ambrosienne y fleurent,
Et n’ont jamais ne deux, ne troys saisons,
Mais ung Printemps : et jamais ilz ne pleurent
Perte d’Amyz, ainsi que nous faisons.
En ces beaulx Champs, et nayves maisons
Loyse vit sans peur, peine, ou mesaise :
Et nous çà bas pleins d’humaines raisons
Sommes marriz (ce semble) de son aise.
Là ne voyt rien, qui en rien luy desplaise :
Là mange fruict d’inestimable pris :
Là boyt liqueur, qui toute soif appaise :
Là congnoistra mille nobles espritz.
Tous Animaulx plaisans y sont compris,
Et mille Oyseaulx y font joye immortelle,
Entre lesquelz volle par le pourpris
Son Papegay, qui partit avant elle.
Là elle voit une lumiere telle,
Que pour la veoir mourir devrions vouloir.
Puis qu’elle a doncq tant de joye eternelle,
Cessez mes Vers, cessez de vous douloir.
Mettez voz Montz, et Pins en nonchailloir,
Venez en France, ô Nymphes de Savoye,
Pour faire honneur à celle, qui valoir
Feit par son los son Pays, et sa voye.
Savoysienne estoit, bien le sçavoye,
Si faictes vous : venez doncques, affin
Qu’avant mourir vostre Œil par deçà voye,
Là où fut mise apres heureuse fin.
Portez au bras chascune plein coffin
D’herbes, et fleurs du lieu de sa naissance,
Pour les semer dessus son Marbre fin
Le mieulx pourveu, dont ayons congnoissance.
Portez Rameaulx parvenus à croissance,
Laurier, Lierre, et Lys blancs honnorez,
Rommarin vert, Roses en abondance,
Jaulne Soulcie, et Bassinetz dorez,
Passeveloux de Pourpre colorez,
Lavande franche, Œillet de couleur vive,
Aubepins blancs, Aubepins azurez,
Et toutes fleurs de grand beaulte nayve.
Chascune soit d’en porter ententive :
Puis sur la tombe en jectez bien espays,
Et n’oubliez force branches d’Olive :
Car elle estoit la Bergere de Paix.
Laquelle sceut dresser accords parfaictz
Entre Bergiers, alors que par le Monde
Taschoient l’ung l’aultre à se rendre desfaictz
A coups de Goy, de Holette, et de Fonde.
Vien le dieu Pan, vien plustost que l’Aronde,
Pars de tes Parcs, d’Archadie desplace,
Cesse à chanter de Syringue la blonde,
Page:Marot - Les Œuvres, t. 4, éd. Guiffrey, 1929.djvu/419
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