Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/20

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A ce coup cy, je n’y ay plus d’attente,
Et si je perds icelle attente toute,
User mes jours en desespoir je doubte.
Pour ton amour j’ay souffert tant d’ennuys
Par tant de jours, et tant de longues nuictz,
Qu’il est advis à l’espoir, qui me tient,
Que desespoir le cours du Ciel retient,
A celle fin que le jour ne s’approche
De l’attendue, et desirée approche.
Ung an y a, que par toy commencée
Fut l’amytié : et sachant ta pensée
Esclave, et serf d’Amour fus arresté,
Ce que devant jamais n’avoit esté.
Ung an y a (ou il s’en fault bien peu)
Que par toy suis d’Esperance repeu.
O moys de May pour moy trop sec, et maigre :
O doulx acueil tu me sera trop aigre,
Si ma Maistresse, avant son departir,
En aultre goust ne te veult convertir.
S’ainsi n’advient, à tel Moys de l’année,
Bien me duyra couleur Noire, ou Tannée :
A ung tel moys qu’on doibt dancer, et rire,
Raison vouldra, que d’ennuy je souspire,
Veu qu’en ce temps fut faicte l’alliance,
Dont je perdray la totalle fiance.
Mais s’il te plaist, à tel Moys de l’Année
Ne me duira couleur Noire, ou Tannée.
A ung tel Moys, qu’on doibt s’esbatre, et rire,
Raison vouldra, que point je ne souspire,
Veu qu’en ce temps fut faicte l’alliance
Dont j’obtiendray la totalle fiance.
Las, s’il t’eust pleu, bien je l’eusse obtenue
Depuis le temps de la tienne venue :
Mais je congnois, que ton amour de glace
Pres de mon feu du tout se fond, et passe.
Ne me dy point que peur te faict refraindre,
Je sçay que n’as occasion de craindre :
Puis crainte, et peur retarder ne font point