Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/21

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Le cueur d’aulcun, quand vraye Amour le poinct.
Que diray plus ? au tour, dont je t’accuse,
Ne trouveras bien souffisante excuse.
Qu’il soit ainsi, plus tost huy, que demain
(Si ton bon sens y veult mettre la main)
Maulgré Fortune, et tout en despit d’elle,
Tu me rendras content, et toy fidelle,
Brief, rien n’y fault, sinon que ton plaisir
Soit accordant à mon ardant desir.
Or voy je bien que tu n’as pas envie
De me laisser ton cueur toute ta vie :
Car s’ainsi feust, ton Servant allié
Par Jouyssance eusses desjà lié,
Veu que souvent tu t’es dicte asseurée
Que loyaulté auroit en luy durée.
Ce nonobstant quand ton cueur vouldras prendre,
Pour t’obeir, je suis prest à le rendre.
Quand est du mien, tu le tiens enserré
En tes Prisons, et si n’a point erré :
Que pleust à Dieu ne t’avoir jamais veue,
Ou que ma vie encores feust pourveue
De sa franchise : ou que ton propre vueil
Feust ressemblant à ton si bel acueil.
Ha cher Amye, onc jour de mon vivant
Ne me trouvay de tel sorte escrivant.
Mon sens se trouble et lourdement rimoie,
Mon cueur se fend, et mon pauvre Œil larmoie,
Bien prevoians qu’apres le tien despart,
Des biens d’Amour ilz n’auront jamais part.
Doncques avant que partir, je supplie
Qu’envers moy soit ta promesse accomplie.