Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/23

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S’il a mal faict, qu’il en soit hors jecté :
S’il et loyal, qu’il y soit bien traicté :
Que pleust à Dieu, qu’en ce cueur puissiez lire,
Vous y pourriez mille choses eslire.
Vous y verriez vostre face au vif paincte,
Vous y verriez ma loyaulté empraincte,
Vous y verriez vostre nom engravé,
Avec le deuil qui me tient aggravé
Pour ce despart : et en voiant ma peine
Certes je croy (et ma foy n’est point vaine
Qu’en souffririez pour le moins la moytié)
Par le moien de la nostre amytié,
Qui veult aussi que la moitié se sente
Du dueil, qu’aurez d’estre de moy absente.
N’aiez donc peur, deffiance, ne doubte
Qu’aultre jamais hors de mon cueur vous boute.
Je suis à vous : et depuis ma naissance
Du feu d’Amour n’ay eu tel congnoissance :
Car aussi tost que la Fortune bonne
Eut à mes yeux monstré vostre personne,
Nouveaulx soucys, et nouvelles pensées
En mon esprit je trouvay amassées.
Tant que (pour vray) mon franc, et plein desir,
Qui en cent lieux alloit pour son plaisir,
En ung seul lieu s’arresta tout à l’heure,
Et y sera jusques à ce qu’il meure.