Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/24

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Oublirez vous donc apres ce despart
Ce qui est vostre ? helas, quant à ma part,
Des que mon œil de loing vous a perdue,
Il me vient dire, ô Personne esperdue,
Qu’est devenue ceste claire lumiere,
Qui me donnoit liesse coustumiere ?
Incontinent d’une voix basse, et sombre
Je luy responds, Œil, si tu es en l’ombre,
Ne t’esbahis : le Soleil est caché,
Et pour toy est à plein Midy couché :
C’est asçavoir, ceste face tant claire,
Qui te souloit si contenter, et plaire
Est loing de toy. Ainsi M’amye, et Dame,
Mon Œil, et moy sans nul reconfort d’âme
Nous complaignons, quand vient à vostre absence,
En regrettant vostre belle presence.
Et puis j’ay peur (quand de vous je suis loing)
Que ce pendant Amour ne prenne soing
De desbander ses deux aveuglez yeux,
Pour contempler les vostres gracieux,
Si qu’en voyant chose tant singuliere,
Ne prenne en vous amytié familiere,
Et qu’il ne m’oste à l’aise, et en ung jour,
Ce que j’ay eu en peine, et long sejour.
Certainement si bien ferme vous n’estes,
Amour vaincra voz responses honnestes.
Amour est fin, et sa parole farde,
Pour mieulx tromper ; donnez vous en doncq garde,