Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/27

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Car apres moy, vif tu ne demourroys,
Quand en ses mains mal traicté je mourroys,
Reçoy moy donc, et ton estomach ouvre,
A celle fin que dedans toy recouvre
Mon premier lieu, duquel tu m’as osté,
Pour estre (helas) en service bouté.
Ainsi parloit mon cueur plein de martyre,
Et je luy dy, mon Cueur, que veulx tu dire ?
D’elle tu as voulu estre amoureux,
Et puis te plainds, que tu es doloreux.
Sçais tu pas bien, qu’Amour a de coustume
D’entremesler ses plaisirs d’amertume,
Ne plus ne moins comme Espines poignantes
Sont par Nature au beau Rosier joignantes ?
Ne vueille aulcun Damoyselles aymer
S’il ne s’attend y avoir de l’amer.
Refus, Oubly, Jalousie, et Langueur
Suyvent Amours : et pource donc mon Cueur
Retourne t’en, car je te fais sçavoir,
Que je ne veulx icy te recepvoir,
Et ayme mieulx qu’en peine là sejournes,
Que pour repos devers moy tu retournes.
Voilà comment mon Cueur je vous renvoye.
Brief, puis le temps qu’il print sa droicte voye
Par devers vous, je n’ay eu le desir
De l’en tirer pour apres m’en saisir :
Et toutesfois à dire ne veulx craindre,
Qu’il n’a point eu aulcun tort de se plaindre,
Car mis l’avez hors de vostre pensée,
Sans vous avoir (que je sache) offensée.
Quand force fut d’aupres de vous partir,
Plus d’une fois me vinstes advertir,
Qu’au souvenir de vous je me fiasse,
Me requerant que ne vous oubliasse :
Ce que je feis : mais vous, qui m’advertistes,
La souvenance en oubly convertistes,