Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/30

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La Sixiesme Elegie meslée d’une joye doubteuse
Le plus grand bien, qui soit en amytié,
Apres le don d’amoureuse pitié,
Est s’entrescrire, ou se dire de bouche,
Soit bien, soit dueil, tout ce qui au cueur touche :
Car si c’est dueil, on s’entre reconforte :
Et si c’est bien, sa part chascun emporte.
Pourtant je veulx (M’amye, et mon desir)
Que vous ayez vostre part d’ung plaisir,
Qui en dormant l’aultre nuict me survint.
Advis me feut, que vers moy tout seul vint
Le dieu d’Amours, aussi cler que une Estoille,
Le corps tout nud, sans drap, linge, ne toille,
Et si avoit (affin que l’entendez)
Son Arc alors, et ses yeux desbendez,
Et en sa main celluy traict bien heureux,
Lequel nous feit l’ung de l’aultre amoureux.
En ordre tel s’approche, et me va dire :
Loyal Amant, ce que ton cueur desire,
Est asseuré : celle, qui est tant tienne,
Ne t’a rien dit (pour vray) qu’elle ne tienne :
Et qui plus est, tu es en tel credit,
Qu’elle a foy ferme en ce que luy a dit.
Ainsi Amour parloit : et en parlant
M’asseura fort. Adonc en esbranlant
Ses Aesles d’or en l’Air s’en est vollé,
Et au resveil je fuz tant consollé,
Qu’il me sembla que du plus hault des Cieulx
Dieu m’envoya ce propos gracieux.
Lors prins la plume, et par escript fut mis
Ce songe mien, que je vous ay transmis,
Vous suppliant pour mettre en grand heur,
Ne faire point le Dieu d’amours menteur,
Mais tout ainsi qu’il m’en donne asseurance,
En vostre dire avoir perseverance :
Croyant tousjours que les propos, et termes
Que vous ay ditz, sont asseurez, et fermes.
En ce faisant pourray bien soustenir,