Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/32

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Feroient aller encontre’mont leurs eaux,
Considerant que de faict, ne pensée
Ne l’ay encor (que je sache) offensée.
Doncques Amour, qui couves soubz tes aesles
Journellement les cueurs des Damoyselles,
Ne laisse pas trop refroidir celluy
De celle là, pour qui j’ay tant d’ennuy.
Ou trompe moy en me faisant entendre,
Qu’elle a le cueur bien ferme, et fust il tendre.

VIII

Dictes, pourquoy vostre amytié s’efface
O Cœur ingrat soubz angelicque face ?
Dictes le moy, car sçavoir ne le puis,
Tousjours loyal ay esté, et le suis :
Il est bien vray, qu’ardant est mon service,
Mais d’avoir faict en servant ung seul vice,
Il n’est vivant lequel me sceust reprendre,
Si trop aymer pour vice ne veult prendre.
Las pourquoy doncq laissez vous le cueur pris
D’amour si grand ? Avez vous entrepris
De mettre fin à sa dolente vie ?
Mieulx eut valu (puis qu’en avez envie)
Que consumé l’eussiez à vous servir,
Qu’en le laissant, sans point le desservir.
Mais qui a meu du Monde la plus belle
A me laisser ? est ce amytié nouvelle ?
Je croy que non : Qui vous faict doncq changer
Si bon propos ? Seroit ce point Danger ?
C’est luy pour vray. Danger par Jalousie
Chasse l’amour de vostre fantasie,
Et en son lieu toute craincte y veult mettre :
Ce que ne doibt ung gentil cueur permettre.
Craincte est obscure, Amour est nette, et blanche :
Craincte est servile, Amour est toute franche :
Amour faict vivre, et Craincte faict mourir.