Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/34

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Du dueil, que j’ay de vostre affliction.
J’en ay tel dueil qu’a peine eusse sceu mettre
Sur le papier ung tout seul petit Metre,
Si le desir, qu’ay à vostre service,
N’eust esté grand, et plein d’amour sans vice.
O Dieu du Ciel, qu’amour est forte chose.
Sept ans y a que ma main se repose
Sans voulenté d’escrire à nulle femme,
M’eust elle aymé soubz tresardante flamme :
Et maintenant (las) une Damoyselle
Qui n’a sur moy affection, ne zelle,
Me faict pour elle employer Encre, et Plume,
Et sans m’aymer, d’un feu nouveau m’allume.
Or me traictez ainsi qu’il vous plaira :
En endurant mon cueur vous servira :
Et ayme mieulx vous servir en tristesse,
Qu’aymer ailleurs en joye, et en lyesse.
D’où vient ce point ? Certes il fault bien dire,
Qu’en vous y a quelcque grâce, qui tire
Les cueurs à soy. Mais laquelle peult ce estre ?
Seroit ce point vostre port tant à dextre ?
Seroit ce point les traictz de voz beaulx yeux,
Ou ce parler tant doulx, et gratieux ?
Seroit ce point vostre bonté tant sage,
Ou la haulteur de ce tant beau corsage ?
Seroit ce point vostre entiere beaulté,
Ou ceste doulce honneste privaulté ?
C’est ceste là (ainsi comme il me semble)
Ou si [ne] faulx, ce sont toutes ensemble.
Quoy que ce soit, de vostre amour suis pris :
Encor je loue Amour en mes espritz,
De mon cueur mettre en ung lieu tant heureux,
Puis qu’il falloit que devinse amoureux.
Donc puis qu’Amour m’a voulu arrester