Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/35

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Pour vous servir, plaise vous me traicter,
Comme vouldriez vous mesme estre traictée,
Si vous estiez par Amour arrestée.

X

Amour me feit escrire au Moys de May
Nouveau refrain, par lequel vous nommay
(Comme sçavez) la plus belle de France :
Mais je failly, car veu la souffisance
De la beaulté, qui dessus vous abonde,
Dire debvois, la plus belle du Monde :
Ce qui en est, et qu’on en voit, m’accuse
De telle faulte, et vostre amour m’excuse,
Qui troubla tant mes doloreux espritz,
Que France alors pour le Monde je pris.
O doncques vous du Monde la plus belle,
Ne cachez pas ung cueur dur, et rebelle
Soubz tel beaulté : ce seroit grand dommage :
Mais à mon cueur, qui vous vient faire hommage,
Faictes recueil : je vous en fais present,
Voyez le bien, il est (certes) exempt
De faulx Penser, Fainctise, ou Trahison,
Il n’a sur luy faulte, ne mesprison,
En luy ne sont aulcunes amours vaines,
Tout ce qu’il a de maulvais, ce sont peines,
Qui de par vous y ont este boutées,
Et qui sans vous n’en peulvent estre ostées.
Si vous supply, m’Amye, et mon recours,
Belle, en qui gist ma mort, ou mon secours,
Prenez mon cueur, que je vous viens offrir,
Et s’il est faulx, faictes le bien souffrir,
Mais s’il est bon, et de loyalle sorte,
Arrachez luy tant de peines, qu’il porte.