Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/36

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XI

Pour à plaisir ensemble deviser,
On ne sçauroit meilleur temps adviser
Que de Noël la Mynuict, et la Veille.
En ceste nuict le Dieu d’Amours resveille
Ses Serviteurs, et leur va commendant
De ne dormir, mais rire, ce pendant
Que Faulx Dangier, Maubec, et Jalousie
Sont endormis au Lict de Fantasie.
O nuict heureuse, ô doulce noire nuict,
Ta noireté aux Amans point ne nuyt,
Plus tost endort les langues serpentines :
Si que faignant d’aller droit à Matines,
Plusieurs Amans peulvent bien (ce me semble)
En lieu secret se rencontrer ensemble.
Les Prebstres lors bien hault chantent, et crient,
Et les Amans tout bas leurs Dames prient,
Et puis entre eulx comptent de leurs fortunes,
En mauldissant les langues importunes,
Ou en disant choses, qui mieulx leur plaisent.
Puis les Servans par coups leurs Dames baisent,
Et en baisant, à elles ilz se deulent
Pour avoir mieulx : lors si les Dames veulent,
Maulgré Danger, et toute sa puissance,
A leurs amys donneront jouyssance :
Car noire nuyct, qui des Amans prend cure,
Les couvrira de sa grand Robe obscure.
Et si rendra (ce pendant) endormys
Ceulx, qui d’Amours sont mortelz ennemys.
Qu’en dictes vous ma Maistresse, et M’amye ?
Si vous voulez n’estre point endormye
Ceste nuyt là, de veiller suis content