Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Plus le Constant a de loz meritoire.
Si ne fault point sur eulx chercher victoire :
Ilz se vaincront, tant sont ilz malheureux,
Faisant tumber tous les blasmes sur eulx.
Mais qui est cil, ne celle en cestuy Monde,
En qui douleur par faulx rapport n’abonde ?
Avant que nul jamais soit icy né,
A ceste peine il est predestiné :
Et tant plus est la personne excellente,
Plus est subjecte à l’aigreur violente
De telz assaultz. Vous doncques accomplie
De dons exquis, dictes, je vous supplie,
Cuidez vous bien fuyr les violences
Des mesdisans avec voz excellences ?
Si vous voulez, qu’on n’ayt sur vous envie,
Ne soyez plus de vertueuse vie :
Ostez du corps ceste exquise beaulté,
Ostez du cueur ceste grand loyaulté :
Ne soyez plus sur toutes estimée,
Ne des loyaulx Serviteurs bien aymée :
Ayez autant de choses vicieuses,
Que vous avez de vertus precieuses :
Lors se tairont. Ha chere, et seule Amye
Voulez estre envers Dieu endormie,
De recevoir tant de grâces de luy,
Et ne vouloir porter ung seul ennuy ?
Ennuy (pour vray) n’est pas la pire chose,
Qui soit au cueurs des personnes enclose :
Petit ennuy, ung grand ennuy appaise.
Brief, sans ennuy, trop fade seroit l’aise :
Et tout ainsi que les fades viandes
Avec aigreur on trouve plus friandes,
Ainsi plaisir trop doulx, et vigoreux
Meslé d’ennuy, semble plus savoureux.
Et d’aultre part, Raison vous faict sçavoir,