Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

congé à votre pension, dorénavant vous dînerez à la préfecture. » Touché de cette bonté, je remerciai mon préfet avec effusion, et, à partir de ce jour, on me regarda comme de la famille.

Veuf depuis de longues années déjà, M. des Touches avait, pour diriger l’intérieur de son ménage, une femme de confiance, appartenant à une honorable famille, et qui avait été recueillie par lui, à la suite de malheurs immérités ; Mme  Villain était son nom. C’était une femme d’une cinquantaine d’années au moins, bonne, indulgente, aimant beaucoup la jeunesse, et qui avait pour moi une affection particulière. Dans son intérieur, M. le baron des Touches avait des habitudes d’ordre dont il ne se départait jamais. Par exemple, il allait tous les samedis à Paris après le déjeuner, faisait sa cour au roi et aux princes dans la matinée du dimanche, se présentait le soir chez les ministres, et courait le lendemain lundi les bureaux des diverses administrations pour y recommander ses affaires les plus importantes. Pendant le temps que durait cette absence, les fourneaux restaient éteints et la cuisinière était en vacances. Obligés alors d’aller prendre nos repas au dehors, Oudard, Fleury (dont je parlerai plus loin) et moi, nous avions toujours pour plusieurs semaines à l’avance des dîners échelonnés chez les uns et chez les autres. Toute vanité à part, c’était à qui nous aurait.

Cependant, nous avions une prédilection particulière pour le vieux chevalier de la Haye, maire de