Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/203

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m’avoir adressé un gracieux compliment, me dit : « Il n’y a pas besoin de vous demander quelle est la rivière qui traverse le département de la Lozère ? — Oh ! non, prince, répondis-je, c’est le Lot. — Comment, le Lot ? s’écria l’ancien évêque d’Autun. Eh bien, je suis pris ! Je croyais véritablement que c’était la Lozère. — La Lozère, Monseigneur, est une des principales montagnes de la chaîne des Cévennes, c’est elle qui donne son nom au département. Au surplus, l’erreur que vous venez de commettre, si c’en est une, est d’autant plus permise que la rivière du Lot prend sa source dans une des cavités de ces montagnes. — Bah ! bah ! répliqua le prince de Bénévent, vous avez beau vouloir, très aimable sous-préfet, colorer ma faute d’une explication bienveillante, vous n’en resterez pas moins convaincu que je suis plus fort en diplomatie qu’en géographie. »

Depuis 1820, ce court dialogue avec le prince de Talleyrand m’est revenu souvent à l’esprit, et j’ai pensé parfois que le vieux roué ne m’avait fait cette question que pour mettre à l’épreuve mes connaissances topographiques. Ceux qui savent ce diplomate mieux que moi en décideront. Ce qu’il y a de certain, c’est que, s’il a voulu me faire une malice, sa physionomie ne m’en a rien révélé, et que, comme s’il eût reçu un coup de pied dans le derrière, elle est restée impassible.

En arrivant à Mende, je m’empressai de faire con-