Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/306

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l’entresol, nous en avions pris un au second. Je me trouvai le premier et Francis était le quatrième dans l’ordre de sortie de notre petit salon. À peine étais-je arrivé au milieu de l’escalier que Wey, qui avait glissé sur les deux talons et qui s’était laissé choir lourdement, passa à côté de moi, raide comme une planche et filant avec la rapidité d’un navire qu’on lance à la mer ; il ne s’arrêta que sur le palier de l’escalier où un de ses bras s’engageant en dedans de l’un des pieds de la banquette placée là pour servir de halte aux dîneurs trop avinés, l’empêcha d’aller plus loin. Nous nous empressâmes aussitôt autour de lui ; il s’était relevé seul prestement et sa toilette n’avait pas éprouvé la plus petite avarie, son chapeau même ne semblait avoir été un peu dérangé et un peu déformé que pour donner à sa physionomie étonnée et à son œil démesurément hagard une expression si originale, si comique, que le fou rire qui nous prit à cette vue dura plus d’un quart d’heure.

Paul Courvoisier se chargea de reconduire Francis Wey et lui fit faire un long détour avant de le ramener chez lui, mais lorsque Wey fut devant sa porte, rue Greffulhe, il ne voulut pas rentrer : « Que voulez-vous que je fasse, disait-il, dans cette maudite baraque qui n’est pas la mienne ? » et force fut à Paul de le reconduire sur le boulevard, où ils se promenèrent encore jusqu’à deux heures du matin, après quoi Francis, harassé de fatigue, demanda lui-même à retourner à son domicile où, cette fois, il rentra sans observation.